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Ce qu'on dit au poète à propos des fleurs (1871)  

 

  

I

Ainsi, toujours, vers l'azur noir
Où tremble la mer des topazes,
Fonctionnent dans ton soir
Les Lys, ces clystères d'extases!

À notre époque de sagous,
Quand les Plantes sont travailleuses,
Le Lys boira les bleus dégoûts,
Dans tes Proses religieuses!

Le lys de Monsieur de Kerdrel,
Le Sonnet de mil huit cent trente,
Le lys qu'on donne au Ménestrel
Avec l'œillet et l'amarante !

Des lys ! Des lys ! On n'en voit pas !
Et dans ton Vers, tel que les manches
Des Pécheresses aux doux pas,
Toujours frissonnent ces fleurs blanches !

Toujours, Cher, quand tu prends un bain,
Ta chemise aux aisselles blondes
Se gonfle aux brises du matin
Sur les myosotis immondes !

L'Amour ne passe à tes octrois
Que les Lilas, -ô balançoires !
Et les Violettes du Bois,
Crachats sucrés des Nymphes noires !...

Le lys boira les bleus dégoûts

Le Lys boira les bleus dégoûts,

Sur les myosotis immondes!

Sur les myosotis immondes !

 

  

II

Ô Poètes, quand vous auriez
Les Roses, les Roses soufflées,
Rouges sur tiges de lauriers,
Et de mille octaves enflées !

Quand BANVILLE en ferait neiger,
Sanguinolentes, tournoyantes,
Pochant l'œil fou de l'étranger
Aux lectures mal bienveillantes !

De vos forêts et de vos prés,
Ô très paisibles photographes !
La Flore est diverse à peu près
Comme des bouchons de carafes !

Toujours les végétaux Français,
Hargneux, phtisiques, ridicules,
Où le ventre des chiens bassets
Navigue en paix, aux crépuscules ;

Toujours après d'affreux desseins
De Lotos bleus ou d'Hélianthes,
Estampes roses, sujets saints
Pour de jeunes communiantes !

L'Ode Açoka cadre avec la
Strophe en fenêtre de lorette ;
Et de lourds papillons d'éclat
Fientent sur la Paquerette.

Vieilles verdures, vieux galons !
Ô croquignoles végétales !
Fleurs fantasques des vieux Salons !
-Aux hannetons, pas aux crotales,

Ces poupards végétaux en pleurs
Que Granville eût mis aux lisières,
Et qu'allaitèrent de couleurs
De méchants astres à visières !

Oui, vos bavures de pipeaux
Font de précieuses glucoses !
-Tas d'œufs frits dans de vieux chapeaux,
Lys, Açokas, Lilas et Roses ! ...

Les Roses, les Roses soufflées

Les Roses, les Roses soufflées,

Estampes roses, sujets saints

Estampes roses, sujets saints

Et de lourds papillons d'éclat

Et de lourds papillons d'éclat

De méchants astres à visières

De méchants astres à visières !

  

III

Ô blanc Chasseur, qui cours sans bas
A travers le Pâtis panique,
Ne peux-tu pas, ne dois-tu pas
Connaître un peu ta botanique ?

Tu ferais succéder, je crains,
Aux Grillons roux les Cantharides,
L'or des Rios au bleu des Rhins, -
Bref, aux Norwèges les Florides:

Mais, Cher, l'Art n'est plus, maintenant,
-C'est la vérité, -de permettre
A l'Eucalyptus étonnant
Des constrictors d'un hexamètre ;

Là !... Comme si les Acajous
Ne servaient, même en nos Guyanes,
Qu'aux cascades des sapajous ,
Au lourd délire des lianes !

- En somme, une Fleur, Romarin
Ou Lys, vive ou morte, vaut-elle
Un excrément d'oiseau marin ?
Vaut-elle un seul pleur de chandelle ?

Et j'ai dit ce que je voulais !
Toi, même assis là-bas, dans une
Cabane de bambous, -volets
Clos, tentures de perse brune, -

Tu torcherais des floraisons,
Digne d'Oises extravagantes!...
-Poète ! ce sont des raisons
Non moins risibles qu'arrogantes !

O blanc chasseur, qui cours sans bas

Ô blanc Chasseur, qui cours sans bas

Un excrément d'oiseau marin?

Un excrément d'oiseau marin ?

  

IV

Dis, non les pampres printaniers
Noirs d'épouvantables révoltes,
Mais les tabacs, les cotonniers !
Dis les exotiques récoltes !

Dis, front blanc que Phébus tanna,
De combien de dollars se rente
Pedro Velasquez, Habana;
Incague la mer de Sorrente.

Où vont les Cygnes par milliers ;
Que tes Strophes soient des réclames
Pour l'abatis des mangliers
Fouillés des hydres et des lames !

Ton quatrain plonge aux bois sanglants
Et revient proposer aux Hommes
Divers sujets de sucres blancs
De pectoraires et de gommes !

Sachons par Toi si les blondeurs
Des Pics neigeux vers les Tropiques,
Sont ou des insectes pondeurs
Ou des lichens microscopiques !

Trouve, ô Chasseur, nous le voulons,
Quelques garances parfumées
Que la Nature en pantalons
Fasse éclore !
-pour nos Armées !

Trouve, aux abords du Bois qui dort,
Les fleurs, pareilles à des mufles,
D'où bavent des pommades d'or
Sur les cheveux sombres des Buffles !

Trouve, aux prés fous, où sur le Bleu
Tremble l'argent des pubescences,
Des Calices pleins d'œillets de feu
Qui cuisent parmi les essences !

Trouve des Chardons cotonneux
Dont dix ânes aux yeux de braises
Travaillent à filer les nœuds !
Trouve des Fleurs qui soient des chaises !

Oui, trouve au cœur des noirs filons
Des fleurs presque pierres - fameuses ! -
Qui vers leurs durs ovaires blonds
Aient des amygdales gemmeuses !

Sers-nous, ô Farceur, tu le peux,
Sur un plat de vermeil splendide
Des ragoûts de Lys sirupeux
Mordant nos cuillers Alfenide !

Où vont les Cygnes par milliers ;

 

Ton quatrain plonge aux bois sanglants

Ton quatrain plonge aux bois sanglants

- pour nos Armées!

- pour nos Armées !

Dont dix ânes aux yeux de braises

Dont dix ânes aux yeux de braises

Sur un plat de vermeil splendide

Sur un plat de vermeil splendide

  

V

Quelqu'un dira le grand Amour,
Voleur des Sombres Indulgences :
Mais ni Renan ni le chat Murr
N'ont vu les Bleus Thyrses immenses !

Toi, fais jouer dans nos torpeurs,
Par les parfums les hystéries ;
Exalte-nous vers des candeurs
Plus candides que les Maries...

Commerçant ! colon ! médium !
Ta Rime sourdra, rose ou blanche,
Comme un rayon de sodium,
Comme un caoutchouc qui s'épanche !

De tes noirs Poèmes - Jongleur !
Blancs, verts, et rouges dioptriques,
Que s'évadent d'étranges fleurs
Et des papillons électriques !

Voilà ! c'est le Siècle d'enfer!
Et les poteaux télégraphiques
Vont orner, - lyre aux chants de fer,
Tes omoplates magnifiques !

Surtout, rime une version
Sur le mai des pommes de terre !
-Et pour la composition
Des Poèmes pleins de mystère

Qu'on doive lire de Tréguier
A Paramaribo, rachète
Des Tomes de Monsieur Figuier,
- Illustrés !- chez Monsieur Hachette !

 

Voleur des sombres Indulgences

Voleur des Sombres Indulgences :

 

Que s'évadent d'étranges fleurs

Que s'évadent d'étranges fleurs

 

Et les poteaux télégraphiques

Et les poteaux télégraphiques